Est-il utilie de rappeler que Manoeuvre a préfacé la bio française de deedee Ramone et que R&F a sorti un hors série spécial Ramones…
RAMONES
PHILIPS 9103 253
Comment, oui, comment pourrait-on croire à cette nouvelle scène new-yorkaise dont on nous rebat les oreilles à grands cris prétentieux dans les fanzines ? Car enfin, voici des gens qui passent leur temps à se reformer et à se dissoudre et qui ne parviendront vraisemblablement jamais à sortir de ce trou de CBGB qui risque, à défaut d’avoir été un tremplin, de devenir leur tombe. Dès cet été, il est évident que les touristes vont s’engouffrer dans le Queens, et revenir en se gargarisant sur l’explosion new-yorkaise. Explosion qui, à la lueur de cet album, a fait long feu. Car « Ramones » est le degré zéro du rock, fût-il punk. La taille des morceaux (tout le monde le sait) oscille entre 1,30 et 2,35 mn. Elle a beaucoup fait pour la réputation du groupe. Mais à vrai dire, Johnny Ramone, Joey Ramone, Dee Dee Ramone et Tommy Ramone manquent vraiment de la plus infime once de classe. Là n’est pas leur propos, hurlerez-vous, mais ils ont l’air si bêtes qu’on peut se demander si 1) s’ils ont jamais pris un trip 2) si leur manager (ce vieil escroc de Danny Fields) le fait exprès.
Musicalement, imaginez une guitare au son quelque peu stoogien (ce qui n’est pas une performance en soi, donnez-moi un Marshall, une fuzz-disto et une Les Paul et je vous fais un son stoogien en diable). D’accord, les solos sont passés de mode. Mais dans le cas des Ramones, on a envie de dire que ça tombe à pic : quand un type éprouve des difficultés à enchaîner trois riffs (toujours les mêmes !), riffs que soutient à grand peine une section rythmique morose, on a peur pour la mémoire de Ron Asheton. Quant aux vocaux, on les oublierait instantanément si le chanteur ne hurlait des horreurs du genre – je n’ai que l’embarras du choix : « cogne la môme avec une batte de base-ball », ou « J’veux pas me balader avec toi (3 fois) / Alors pourquoi tu veux te balader avec moi ? ». Et puis la profession de foi : « J’étais un béret vert au Viet-Nam. » Et le nouvel hymne : « Tous les mômes veulent sniffer de la colle » Etc… Chaque morceau est enchaîné au précédent, le total des faces est de quatorze minutes environ.
Résumons-nous : les Ramones représentent une partie infime de cette énergie que les Stooges ont canalisée au péril de leur vie et avec une maestria bien connue. Mais je veux bien être pendu si en fait les Ramones ne sont pas le groupe le plus propre et le moins dangereux du monde. Et c’est dans leur monotone régularité dans l’outrage qui bien vite ennuie et rappelle la lecture d’un roman porno spécialisé dans telle ou telle perversion, mais pas une autre, attention. Je suppose que si les Ramones faisaient leur truc pendant que je buvais ma bière dans un troquet, je partirais pas avant de l’avoir finie. Bon, mais de là à en faire un album, il y a un gouffre dans les moyens qu’ils ne possèdent pas. A la limite, l’achat du simple « Blitzkrieg Bop / Havana Affair » suffirait amplement, et serait même recommandable. Mais pour de plus amples informations sur le côté sauvage de New-York, allez plutôt réécouter les deux chefs-d’œuvre que sont « Go Girls Crazy » des Dictators et « Metal Machine Music » de cette vraie personnalité qui s’appelle Lou Reed.
PHILIPPE MANŒUVRE,
Rock’ n Folk - Août 1976