LE HAVRE (AFP) - L’endroit ressemble à un hall d’immeuble sauf qu’il n’ouvre pas sur un immeuble: dans ce quartier défavorisé du Havre, cette illusion censée attirer les jeunes qui « stationnent » dans les cages d’escalier au grand dam des habitants suscite la controverse.
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Planté sur une pelouse devant les immeubles du quartier de Graville la Vallée où logent 1.500 personnes, un conteneur rouge vif attire l’oeil, comme un objet déposé-là pour une exposition urbaine d’art contemporain. Détourné de son usage, il a été aménagé par un plasticien en hall d’immeuble avec digicode, boîtes aux lettres et départ d’escalier.
Bakary, un intérimaire de 22 ans qui a participé à la construction de ce faux hall ouvert fin août après trois mois de travaux, est, ce jeudi-là, un des rares à défendre sa pertinence. « C’est un bon petit truc pour les jeunes qui ne traîneront pas comme ça dans les escaliers », assure-t-il.
Mais la plupart n’ont que faire de ce conteneur, clin d’oeil à l’activité phare du port du Havre: « C’est n’importe quoi, on veut nous entasser comme des sardines dans une boîte de conserve », s’insurge Kevin, un manutentionnaire de 22 ans.
« Il n’y a rien dedans, ni play station, ni télé, ni fauteuils, c’est vide », regrette Oussama, un lycéen de 16 ans. « Les gens des autres quartiers rigolent quand ils viennent nous voir », dit Salim un employé, père de famille de 30 ans, qui aurait préféré une action énergique « contre les cafards ».
Soumis à toutes les critiques, le père du projet Jean-Pierre Niot, directeur général de l’Office public d’habitat du Havre, assure que ce projet est né de la volonté d’expérimenter des solutions au « détournement » des halls qui, de lieux de passage, deviennent parfois des lieux de stationnement.
« Les halls pourraient être des lieux de convivialité par excellence, mais la réalité prouve que les tensions de la société peuvent se concentrer dans cet endroit confiné, jusqu’à devenir insupportables pour une partie des locataires », explique-t-il.
En implantant ce faux hall dans ce quartier, l’office a voulu, selon lui, apporter « sa contribution » à un objectif double: « rendre la quiétude à des locataires en détresse qui peuvent parfois vivre l’enfer, et répondre au besoin vital des jeunes de se rencontrer dans un cadre informel ».
Pour autant, l’opération ne se veut pas « la réponse miracle » au problème, mais plutôt « une forme d’appel au secours » en direction des autres acteurs concernés, depuis les éducateurs de rue jusqu’à la justice en passant par les familles, les associations ou la police.
« Il faut un travail concerté dans la durée si on veut que cette gêne s’amoindrisse », souligne-t-il.
Mais si la greffe du faux hall ne prend pas dans le quartier, il assure que l’office ne s’entêtera pas. « Il a suffit d’une grue pour déposer le conteneur, il suffira d’une grue pour l’enlever », dit-il.